Axes de recherche
La vie des personnes âgées : recherche sur les centenaires
Selon des estimations, plus que 3 millions d'individus de la population mondiale atteindront l'âge de 100 ans en 2050 et pourtant, les centenaires sont encore aujourd'hui peu considérés et peu étudiés. En effet, cette population a surtout été étudiée dans des études démographiques et médicales, et l'on constate un manque important de recherches sur les défis rencontrés par les personnes très âgées et leurs familles, ainsi que sur la qualité de vie et ses déterminants à l'âge de 100 ans. Depuis 2010, j’ai lancé une série d'études qui ont pour objectif d'examiner les conditions de vie des centenaires, en prenant en compte leurs difficultés (p.ex. la santé), leur système de support social (p.ex. les soins), leurs atouts psychologiques (p.ex. la signification donnée à l'existence), mais aussi des indicateurs de bien-être (p.ex. la satisfaction de vie). En plus de considérer les ressources et les risques des centenaires, nous examinons la relation que les centenaires entretiennent avec leur contexte social immédiat, leurs enfants. Afin de bénéficier d'une vision globale, nous considérons le contexte social et culturel en comparant des centenaires de différents pays. Ainsi, en se basant sur des évaluations quantitatives et qualitatives, et des mesures et protocoles internationaux similaires, nous visons à obtenir une perspective différenciée sur la grande vieillesse. Notre but est de créer une image plus réaliste, d’identifier les déterminants personnelles, culturelles et sociales et enfin d'identifier le potentiel positif pour un développement et un vieillissement réussi. Notre réseau international comprend la deuxième étude Heidelberg Centenarian Study (PIs Jopp, Rott, Boerner & Kruse), la Fordham Centenarian Study (Jopp) et l'étude Oporto Centenarian Study (Ribeiro & Paul). L'étude la plus récente est SWISS100 (Jopp, von Gunten, Hermann, & Cavalli, with project partners Martin, Röcke, Krause), qui représente la première étude nationale sur les centenaires. D'autres collaborations concernent le Japon et la Chine.
Parents d'âge très avancé et leurs enfants d'âge avancé : les défis et bénéfices de vieillir ensemble
L'augmentation fulgurante de l'espérance de vie moyenne est aujourd'hui une question d'envergure mondiale. En particulier, la population des personnes très âgées représente le groupe qui connaît la plus grande croissance dans les pays industrialisés.
Cette tendance provoque un phénomène nouveau : les membres d'une famille peuvent atteindre un âge avancé voire très avancé ensemble.
Plus spécifiquement, environ deux tiers de la population des personnes très âgées ont des enfants qui entrent eux-mêmes dans la vieillesse. Et vu que les personnes très âgées survécus à leurs conjoints et leurs amis, ce sont les enfants qui deviennent leur contact social primaire.
Ceci dit, il n'existe aucune recherche sur cette relation spécifique - parent très âgé avec un enfant lui-même d'âge avancé. Etant donné l'importance des relations sociales étroites pour le bien-être et la santé, avec les effets protecteurs et les effets néfastes de relations de mauvaise qualité, une enquête sur la constellation relationnelle parent très âgé avec un enfant âgé est impérative.
Il est également important de considérer le fait qu'un grand nombre d'enfants d'âge avancé rencontrent eux-mêmes des défis de santé et peuvent se sentir particulièrement impliqués et chargés par la prise en charge prolongée de leurs parents.
Des recherches permettent en outre de mettre en lien un certain nombre de difficultés psychiques et physiques, incluant un risque de mortalité plus élevé, qui seraient associées à une prise en charge de longue durée et pourraient donc concerner les enfants de parents très âgés.
En collaboration avec la Professeure Kathrin Boerner de (University of Massachusetts, Boston), nous avons examiné la relation entre les très vieux individus et leurs enfants d'âge avancé dans le contexte de the Second Heidelberg Centenarian Study and the Fordham Centenarian Study. Plus récemment, nous avons commencé à examiner ce phénomène en Suisse également, avec le support de la Fondation Leenaards ainsi que le support du Pôle de Recherche National LIVES
Plus d'informations sur les défis du bien vieillir ensemble
disponibles sur la page du site du projet financé par le PNR LIVES
Les activités en lien avec le bien-être, la santé et le fonctionnement cognitif
Un engagement actif dans la vie représente un facteur clé pour le développement réussi et le vieillissement. Les activités de loisirs sont d'une grande importance, et il a été montré qu'elles sont associées à des conséquences bénéfiques tout au long de la vie. Notre recherche examine dans quelle mesure le fait d'être actif est associé à des aspects objectifs, notamment la santé et le fonctionnement cognitif, ainsi que la qualité de vie, incluant le bien-être et la dépression. Dans ce contexte, nous abordons aussi le rôle des aspects psychologiques, tels que les croyances sur soi-même (par exemple, les croyances de contrôle) au sujet de la mémoire ou du fonctionnement cognitif. Nous étudions par ailleurs les activités en relation avec l'hypothèse de guérison sociale, c'est-à-dire dans quelle mesure le sentiment d'être un membre d'un groupe social apporte des bénéfices supplémentaires, par exemple après des événements de vie critiques comme le divorce ou un deuil, en collaboration avec le Prof. Dario Spini (Université de Lausanne). Par ailleurs, Charikleia Lampraki a étudié les patterns d'activité chez les personnes de 40 à 90 ans, dans le cadre de sa thèse de doctorat sous la direction du Prof. Daniela Jopp et du Prof. Dario Spini. Un focus supplémentaire de cette recherche porte sur la façon dont les appartenances aux groupes sociaux peuvent promouvoir les processus d'identité, à savoir un sentiment de soi stable, dans le contexte des événements critiques de la vie.
Ressources et mécanismes psychologiques d'adaptation, développement positif et vieillissement réussi
Tout au long de la vie, les individus tentent d'influencer activement leur développement et d'obtenir des résultats développementaux positifs tels qu'un haut niveau de fonctionnement ou une bonne qualité de vie. Cet effort est mis à mal quand ils sont confrontés à certains événements de vie, tels que la maladie ou les pertes liées à l'âge. Notre recherche a pour objectif d'identifier les mécanismes psychologiques qui permettent aux individus de faire face ("to cope with") et de surmonter ces difficultés. Plus particulièrement, nous étudions le rôle (a) des ressources de base de l'individu (par exemple l'éducation, la cognition, la santé, le réseau social), qui ont préparé le terrain pour le développement, ainsi que les "psychological strengths"; (b) les stratégies qui sont utilisées pour résoudre des problèmes ou atteindre des objectifs (par exemple, le coping et les stratégies de gestion de vie) ; et (c) les croyances qui fournissent la motivation nécessaire pour s'engager dans l'action demandant effort et persistance (par exemple, contrôler les croyances et les attitudes envers la vie, la maladie et le vieillissement). Nos études démontrent que les ressources et les "psychological strengths" jouent un rôle important pour les résultats développementaux généraux (par exemple, le bien-être, l'adaptation positive à la perte) et spécifiques (par exemple, le fonctionnement de la mémoire), et que la prise en compte des interrelations entre ces constructions explique davantage le développement positif que si elles sont considérées de façon isolée.
L'âge très avancé est d'un intérêt particulier, présentant une situation de "testing-the-limits" pour la capacité humaine d'adaptation. Plus précisément, atteindre un âge très avancé est habituellement accompagné par de multiples pertes, incluant les problèmes de santé, la perte d'êtres chers, et l'augmentation des restrictions dans les activités qui donnent un sens à la vie.
Perspectives non scientifiques du vieillissement réussi
Bien que de nombreuses études examinent le vieillissement réussi, des discussions sont en cours parmi les chercheurs de ce domaine au sujet de ce que signifie le vieillissement réussi. Malgré l'absence de consensus scientifique, seules quelques études ont porté sur la conception des tout venant du vieillissement réussi. Comme il peut être problématique de communiquer et de développer des interventions efficaces lorsque les perspectives scientifiques et profanes du vieillissement ne correspondent pas, nos études explorent plus en détails les idées des tout venant sur le vieillissement réussi et observent dans quelle mesure elles sont reflétées dans les théories sur le vieillissement réussi. Plus récemment, nous avons commencé à enquêter sur la façon dont les individus développent leurs points de vue sur le vieillissement. Ceci est d'une importance particulière car les représentations de la société sur le vieillissement sont dominées par des stéréotypes négatifs, qui ont été créés pour influencer négativement non seulement la manière suivant laquelle les individus vivent leur propre vieillissement, mais aussi le processus de vieillissement réel. Ainsi, une meilleure compréhension de la façon dont les individus peuvent adopter des opinions positives sur le vieillissement qui contrecarrent ces stéréotypes négatifs est nécessaire. Un des mécanismes pourrait être le rôle de modèles de vieillissement réussi qui nous étudions dans plusieurs études en cours. De plus, nous étudions dans quelle mesure le contexte familial, notamment la qualité de la relation avec les parents, détermine la façon dont les individus plus jeunes vivent leur propre vieillissement.
La "rêverie compulsive" (Maladaptive Daydreaming): un nouveau trouble psychologique ?
Nos travaux portent également sur un nouveau trouble psychologique, que nous avons identifié dans une série d'études publiées récemment - "maladaptive daydreaming" (MD) ou "rêverie compulsive". Il semblerait que des personnes soient capables de créer des mondes imaginaires très riches et détaillés dans leur tête, mais pour certains d'entre eux, cette capacité se transforme en un problème grave. En collaboration avec Jayne Bigelsen et Jonathan Lehrfeld (Fordham University, New York) et le Professeur Eli Somer (Université de Haïfa), nous avons constaté que les personnes souffrant de rêverie compulsive passent en moyenne 60% de leur temps d'éveil dans un monde imaginaire qu'ils ont eux-mêmes créé. Ils se perdent dans ce monde imaginaire, ce qui devient une addiction, et 97% d'entre eux se sentent limités dans leur vie quotidienne. Bien que non reconnue comme une condition ayant une pertinence clinique aujourd'hui, plusieurs milliers de personnes documentent leur lutte quotidienne contre leur incapacité à limiter leurs activités de rêverie sur les pages Web et les forums internet et ne reçoivent pas l'aide des professionnels de santé. Sur la base d'un ensemble d'articles utilisant des approches qualitatives et quantitatives, notre équipe a accumulé des informations importantes sur cette condition. Après avoir développé un court questionnaire évaluant le MD, Maladaptive Daydreaming Scale, notre recherche en cours comprend l'élaboration et la validation de versions française et allemande de cette échelle MDS, ainsi qu'une enquête plus approfondie sur cette condition sous-reconnue et sous-étudiée (en collaboration avec les Professeurs Christine Mohr et Rémy Amouroux, Université de Lausanne).
Plus d'informations sur la recherche sur le vieillissement
sur la page du Centre de recherche en psychologie de la santé, du sport et du vieillissement